Redonner des couleurs aux filières agroalimentaires.

Les filières agroalimentaires font, depuis plus de 10 ans, face à des bouleversements économiques et structurels qui ont à la fois réduit le financement de leurs activités et augmenté leur besoin en financement. Une situation aggravée par la crise économique liée à la COVID-19. 

 

Cependant, en cette période de crise, le ministère de l’Économie met en place un dispositif de Prêts Participatifs Soutenus par l’État (PPSE). Ces Prêts Participatifs Relance et ces Obligations Relance doivent permettre aux PME et ETI de relancer l’investissement malgré la crise. 

 

Ce dispositif pourrait-il être une solution pour relancer l’investissement des entreprises dans les filières agroalimentaires ?

 

Un sous-investissement dans les filières agroalimentaires depuis 10 ans, aggravé par la crise Covid-19 

 

Les entreprises du secteur de l’agroalimentaire (producteurs, transformateurs, artisans…) se tournent prioritairement vers les banques pour le financement de leur activité. Cependant, depuis la réglementation bancaire Bâle III (en 2010) qui a réduit la capacité de prêt des banques et a augmenté leurs exigences de garantie vis-à-vis des emprunteurs, les banques se retrouvent à choisir les projets présentant peu de risques.  

 

Avant la crise liée à la Covid-19, les entreprises françaises présentaient déjà un déficit de fonds propres et un niveau d'endettement plus élevé par rapport à leurs voisins européens. Malheureusement, avec la crise, les ratios de solvabilité des entreprises se dégradent fortement. Selon l’institut Rexecode, qui est l’institut d’études économiques, l'excédent brut d'exploitation des entreprises françaises sera amputé de plus de 150 milliards d'euros sur le total des deux années (2020 – 2021).

 

D'après un rapport récent des Chambres d'agriculture sur la "Compétitivité du secteur agricole et alimentaire (1970 - 2020)" [1], les filières agroalimentaires, sur ces dix dernières années, voire vingt ans pour certains secteurs de l'industrie agroalimentaire (comme la viande) présentent un déficit d'investissement. Ce sous-investissement historique concomitant à une augmentation actuelle de leur taux d'endettement a des conséquences majeures sur les entreprises de ce secteur. Leurs capacités d'investissement sont ainsi réduites tant au niveau de l'auto-financement qu'au niveau de l'endettement bancaire alors qu'elles font face à de nombreux bouleversements et ont besoin de se financer pour moderniser leur activité et pour rester compétitives.

 

Mais ce sous-investissement ne constitue pas la seule difficulté à laquelle les entreprises des filières agroalimentaires doivent faire face.

 

Des filières en profonde évolution nécessitant des investissements long terme

 

Des contraintes environnementales et comportementales

 

Premier secteur industriel français en termes de chiffre d’affaires et d’emplois, l’agroalimentaire subit depuis des années des évolutions majeures et doit faire face à des contraintes importantes. 

 

En effet, l’évolution rapide des habitudes de consommation des européens alliée à la transition agroécologique implique un changement des modes de production et d’approvisionnement pour protéger l’environnement tout en répondant aux attentes des consommateurs en termes de process, de qualité et de prix.

 

Les producteurs sont invités à produire certains produits (Bio, HVE, …), à ne pas utiliser certains pesticides qui jusque-là leur permettaient d’assurer une récolte conséquente, tout cela sans toucher aux quantités livrées aux industriels et à la grande distribution. 

 

De même, les industries alimentaires et la grande distribution s'emploient à améliorer la qualité de leurs produits en utilisant des produits agricoles locaux et en réduisant leurs importations de denrées. L'amélioration du bilan carbone des produits a un coût.

 

Ces contraintes imposent aux entreprises du secteur agroalimentaire de se moderniser pour répondre aux évolutions des habitudes alimentaires et respecter les nouvelles règles établies tout en améliorant leur productivité. Elles doivent également investir dans des projets de recherche et développement pour innover ou conserver un avantage concurrentiel dans les filières d’excellence.

 

Un secteur en perte de popularité

 

À l’évolution des exigences des clients et de l’Etat, s’ajoute une crise des vocations alors qu’un exploitant sur trois (soient plus de 150 000) serait en mesure de partir à la retraite dans les 3 ans à venir. De nombreuses exploitations sont abandonnées, car les agriculteurs peinent à trouver des repreneurs. 

 

En effet, peu de jeunes sont attirés par les métiers de l’agro-alimentaire (boucher, agriculteur, apiculteur…). Malgré les efforts de sensibilisation financés par des acteurs comme les coopératives ou les enseignes de la grande distribution, ces métiers ont la réputation d’être mal payés, de manquer de débouchés et d’user aussi bien physiquement que mentalement. 

 

Ainsi, plusieurs exploitations sont abandonnées faute de repreneurs. Selon l’INSEE, le nombre d’exploitations individuelles a baissé de 19 % depuis 2010 et seulement 17,5 % des chefs d’exploitation avaient moins de 40 ans en 2016. Les exploitations abandonnées sont en partie reprises par les coopératives, mais elles aussi sont limitées dans leur champ d’action par le manque d’investissements.

 

Cette crise entraîne une baisse des capacités de production françaises et donc des difficultés d’approvisionnement pour les entreprises de transformation, de commercialisation… Pour sécuriser leur approvisionnement, les entreprises de l’agroalimentaire sont contraintes d’importer des produits d’autres pays, ce qui est négatif en termes de bilan carbone. Quand ces entreprises souhaitent structurer des filières circuit-court et/ou sécuriser leur chaîne de production, elles rencontrent des difficultés pour trouver des partenaires locaux en capacité de suivre leur croissance. 

 

Les Prêts Participatifs Relance et les Obligations Relance 

 

Les Prêts Participatifs Relance et les Obligations Relance arrivent à point nommé pour la relance de l’investissement dans les filières agroalimentaires.

 

Pour donner aux acteurs touchés par la crise liée à la COVID-19 les capacités d’investir, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire annonçait, dans le cadre du plan de Relance, en mars 2021, son plan de Prêts Participatifs Soutenus par l’État (PPSE). 

 

Ce dispositif de financement par des investisseurs privés (Banques, Assurances, Fonds, …) d’une valeur de 20 Md€ garantis à hauteur de 30 % par l’Etat, devrait venir en aide aux PME et ETI qui ne disposent pas des capacités financières nécessaires pour emprunter auprès des banques en ces temps de crise.

 

Les prêts participatifs Relance et Obligations Relance sont destinés à toutes les PME dont le chiffre d’affaires en 2019 était supérieur ou égal à 2M€ et à toutes les ETI. Cette offre qui doit débuter à partir de mai 2021 est une occasion pour les entreprises d’investir dans l’outil de production, la R&D, ou embaucher par exemple. 

 

Comment ça fonctionne ?

 

Schéma prêt participatifs Relance et Obligations Relance



  • Prêts Participatifs Relance : Les banques accordent les prêts participatifs Relance aux entreprises (PME et ETI). Elles cèdent 90 % de ces prêts participatifs Relance à plusieurs fonds d’investissement qui bénéficient ensuite de la garantie de l’Etat (30%) sur leur valeur liquidative (valeur de leurs actifs nets).

  • Obligations Relance : Les entreprises (PME et ETI) émettent des obligations subordonnées (Obligations Relance). Ces obligations sont souscrites par les fonds d’investissement. Comme pour les prêts participatifs Relance, les fonds bénéficient de la garantie de l’Etat (30%).

 

Il est intéressant de noter que des entreprises non financières - chef de filière - utilisent déjà des prêts participatifs (existant depuis 1978) pour financer des entreprises partenaires afin de structurer et développer leurs filières. Les prêts participatifs alignent les intérêts des parties prenantes (les financeurs et le financé). 

 

Dans le cas du nouveau dispositif des prêts participatifs, les Obligations Relance sont un bon outil de financement alternatif pour les entreprises (PME et ETI) des filières agroalimentaires. En associant une entreprise - chef de filière - en tant que co-financeur, les Obligations Relance ne pourraient-elles pas faciliter, pour les PME et ETI des filières agroalimentaires, la recherche de fonds de dettes privées pour compléter le financement ?

 

Quels sont les avantages pour les entreprises des filières agroalimentaires ?

 

Les avantages pour les PME et les ETI qui se financent par des Prêts Participatifs Relance ou des Obligations Relance.

  • Un financement à un taux attractif pour des quasi-fonds propres : Même si le coût du dispositif PPSE est libre, les entreprises devraient, à priori, bénéficier de taux compris entre 4 - 5,5 % pour les PME et 5 - 6 % pour les ETI pour des quasi-fonds propres sur une durée de 8 ans. Les entreprises peuvent ainsi renforcer leurs fonds propres et leur notation affaiblis par la crise liée à la COVID-19. 

  • Un effet de levier : Avec le renforcement des fonds propres et des notations, les Prêts Participatifs Relance ou les Obligations Relance doivent être vu comme un financement à effet de levier qui peut être complété par des financements bancaires classiques qui n'auraient pas pu être obtenus sans les PPSE.

  • Une solution qui protège le capital des entreprises : Les Obligations Relance permettent aux entreprises de ne pas ouvrir leur capital et d’ainsi conserver le pouvoir de décision sur leur activité. Un avantage non négligeable pour les entreprises familiales ou des filiales de groupement.


[1] Rapport des Chambres d'Agriculture sur la "Compétitivité du secteur agricole et alimentaire (1970 - 2020)"

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